jeudi 14 mai 2009

La femme en devenir que j'étais à 17 ans

J'ai retrouvé, en cherchant des papiers importants au fond de mes archives de paperasses démentielles (parce que je suis super organisée, j'entasse tout au même endroit et lorsque je cherche quelque chose, je passe deux heures à trier), un texte, assez long, qui ressemble à une sorte de journal intime, que j'avais écris lorsque j'avais 17 ans. Je crois me souvenir que je l'avais écris effectivement comme tel, en décousu. Epoque où j'ai découvert que j'étais lesbienne...

Un pincement au coeur en relisant ca, comme si j'avais accès à quelque chose qui n'existe plus qu'au fond de moi, des souvenirs...

Je vous fais partager des extraits que je vais retaper entière à la main...

Le texte a un préambule, qui se situe sur juillet/aout, les vacances (dont une partie en Angleterre).

"J'allais oublier de parler d'Arnaud. Il est mon petit ami officiel. Ca va faire maintenant près de neuf mois que nous sommes ensemble. On s'entend vraiment très bien. Je ne suis plus tellement amoureuse mais sa présence m'est nécessaire. J'évite au maximum les relations physiques. Je ne peux pas dire que je n'aime pas ça. Au contraire. Mais avec lui, je n'ai pas envie, je ne sens pas de désir. "

Pardon Nono de poster ca :-) Mais avoue que c'est bien de savoir que ce n'était pas toi qui n'était pas excitant mais juste que tu étais trop burné ;-)


"J'ai rencontré aussi Agnès dans le groupe de français. Nous avons passé beaucoup de temps ensemble, à nous raconter nos vies sur le sable fin. Elle est spéciale, avec un charme particulier. Une rousse incendiaire qui, plus tard, fera tomber tous les hommes. Nous gardons contact par écrit."

Alors Agnès, c'était The copine pendant mes vacances en Angleterre. On était collé l'une à l'autre continuellement. Elle dormait sur moi dans le bus. Je n'ai eu aucun désir pour elle au cours de ces vacances. Par contre, lors des séparations à la gare, j'ai chialé ma race comme rarement. Mes parents, venus me chercher, ont trouvé leur fille, assise sur son sac de voyage, totalement dévastée. Ils ont appelé l'organisatrice du voyage pour savoir ce qui m'était arrivée. Ils ne pouvaient pas comprendre que je puisse être triste de devoir me séparer d'une rencontre de vacances, qui n'était même pas un amour. On a continué de s'écrire et puis les relations épistolaires finissent toujours pas s'étioler. Je l'ai revu une fois sur Paris, c'était sympa. Elle n'avait pas changé. Elle n'a rien déclenché chez moi du tout. Je crois que c'était sincèrement une bonne copine.. Même si ca pouvait sembler ambigue à l'époque.

Maintenant les choses sérieuses commencent.. La rentrée...

"Je me rend à la salle de cours. Je tombe sur une petite brune, svelte, à la voix chaude et au regard noir. Je ne me laisse pas le temps de réfléchir, ni à elle d'en placer une. Je lui explique la situation rapidement. Elle me conseille de voir le directeur, de m'inscrire. Elle semble contente d'avoir une nouvelle élève. Finalement, je finis par obtenir mon inscription et un créneau horaire. Le mardi à 16H, j'aurai quelque chose à faire. Je crois que je n'ai pas eu le temps de me poser de question sur cette prof... Je ne sais rien sinon qu'elle se prénomme Christine. Tout a été très vite. Je ne me souviens que de son regard et de la forme de son corps. J'ai essayé de paraitre forte devant elle. J'espère que cela aura fonctionné."

J'adore les éléments que j'ai noté de la rencontre. Les yeux et la silhouette. Avouons bien que ca n'a pas changé. Et déjà à l'époque, j'étais dans le paraitre et le controle. Ca vient de loin. Peachy, tu vas avoir du mal à me le faire passer ;-)

"Me voilà au premier cours. Je perçois quelque chose de fort venant de Christine. J'ai envie de discuter avec elle plus que de jouer, envie de la connaitre. Je me dois pourtant de lui montrer mon niveau. Je tente courageusement d'interpreter un concerto de Vivaldi que je massacre avec freveur. Je crois qu'elle se pose des questions sur moi. [...] Je me sens peu à l'aise en sa présence. Et ce n'est que le premier cours. Ele me trouble par sa présence. Je me sens jugée et je n'aime pas ça. Prouver à une inconnue que j'ai ma place m'horripile.Finalement, je finis par lui parler un peu de moi, de Sonia, ma soeur et de notre histoire. Elle semble passionnée par le roman de ma vie et finis par me suivre à l'extérieur de la salle pour continuer la conversation. Evidemment, elle un cours dernière moi et ne peut pas s'éterniser. Je sens bien qu'elle regrette de ne pouvoir poursuivre. Au fond, je ressens la même chose."

Premier cours, j'étais déjà foutue ! :)

"je ne sais plus qui je suis. Je passe mon temps à écrire. Mon refuge et mon exutoire se trouvent dans les mots. Tout ce que je ne dis pas s'exprime sur le papier."

Si vous saviez, j'ai près de 300 textes numérotés, du très courts ou très longs. De la poésie surtout.. Une bonne déprime et j'écris un best seller lol

"Avec christine, je rencontre des soucis. Je viens à reculons à ses cours. Je me sens étrange en sa présence, mal à l'aise. Elle ne voit rien je le sais mais mon talent s'amenuise à mesure que je m'enfonce dans mon malaise. Je ne comprends pas. Elle se joue de moi, me donne sa présence, me parle un peu d'elle, puis soudain se retire du jeu et me laisse pantelante"

C'était l'époque où on commencait de jouer au chat à la souris.. Elle venait vers moi, avait même tendance à creer des contacts physiques (elle me touchait souvent le visage) et au moment où je commencais à me sentir plus à l'aise, paf elle remettait la distance exigible entre une prof et son élève. Quelle pute :)

"Mes parents ne comprennent pas ma détresse. Ils m'en veulent d'être aussi infernale et ne de plus parler. Je m'enferme sur moi-même. Je commence à entrevoir des choses qui n'existent pour moi que dans les livres. Au conservatoire, je passe mon temps à critiquer Christine devant les autres, à leur dire qu'elle n'est pas si géniale. Sachant pertinemment que je pense le contraire. je voudrai leur dire qu'elle est belle, qu'elle a un regard qui me subjugue. Mais ils ne comprendraient pas et je ne veux pas qu'ils puissent penser que je suis..."

Alors il faut que je vous raconte, parce que ce serait pathétique si ce n'était pas si drole. Vierzon, vous situez ? La ville à l'ouverture d'esprit la plus formidable au monde. Lorsque j'ai commencé à mettre des mots, réels, sur ce que je ressentais, je n'avais strictement personne dans mon entourage à qui me confier. J'ai donc été là où des réponses devaient forcément se trouver : à la bibliotheque. J'étais totalement pétrifiée à l'idée d'aller dans ce lieu public pour lire quelque chose qui me semblait interdit, et contre-nature (la propagande familliale avait bien fait son boulot). C'est donc dans une frayeur monstrueuse de me faire choper, que j'ai été farfouiller dans le rayon psycho pour trouver un unique livre, dont je ne me souviens plus du titre. La couverture était rose il me semble et c'était des témoignages de femmes qui aiment les femmes. J'ai feuilleté ce livre plus vite que mon ombre. Honteuse je suis sortie de la bibliotheque... Pour y revenir le lendemain, le surlendemain et ainsi de suite jusqu'à reussir à lire une bonne partie de ce bouquin. Je ne me souviens que des émotions, pas du livre.

"Hier, il y avait une audition au conservatoire. Evidemment, je m'y trouvais. Comment aurai-je pu rater Christine un soir ? Mes parents ne comprennent pas cette passion soudaine pour les débutants en musique. Elle était fidèle à elle-même, ténébreuse. [...]. L'audition est terminée. Je reste quelques instants dans le couloir pour discuter avec un professeur. Nous rions gaiement d'histoires sans grand interet. Mon regard se tourne au hasard, mais la salle contigue et je croise le regard de Christine. Elle me regarde, certainement depuis quelques instants. Je plonge mes yeux dans les siens. Une fraction de seconde. Je me détourne. Trop peur qu'elle comprenne, qu'elle voit mon trouble. Evidemment, je me sens attirée violemment à la regarder à nouveau. Mes yeux s'y risquent. Elle est toujours là, son regard posé sur moi, sans animosité, sans douceur non plus. Un regard incompréhensible qui m'obsède encore alors que je suis au fond de mon lit. Comprendre, expliquer. Je me sens partager entre des sentiments confus. L'aimer, je n'ose y penser. La hair, j'en viens à ce point. Mais rien ne s'explique, rien ne s'arrange. Je sens une tension entre elle et moi. Entre nous qui nous ressemblons tant et qui menons une guerre silencieuse. Je n'arrive pas à dormir, plongée dans mes rêves, peut-être mes fantasmes. "

J'crois que là, ca se passe de commentaire ! J'avais sombré et je commençais vraiment à comprendre que ce que je ressentais était bel et bien de l'amour. Bien malgré moi.

"Plusieurs mois sont passés et la situation n'a pas changé, tout du moins entre elle et moi. De mon coté, les choses se sont clarifiées dans mon esprit. Il est évident que tout ce qui arrive est engendré par le simple fait que je suis amoureuse... D'elle... Et si pour moi, c'est inexplicable, pour mon entourage très proche, à savoir quelques amis, tout ceci n'est que passade. Je sens pourtant au fond de moi que ce n'est pas seulement cela. Tant de mouvement pour une passade serait un prix bien élevé. Depuis que j'apprends à me connaitre sur ces sentiments, la tension entre Christine et moi est encore plus forte. Je la cherche et c'est elle qui me trouve. Elle sent elle aussi que quelque chose se trame. Pour le moment, le silence est plus fort. Je n'ose lui dire. elle n'ose demander. Pourtant, chacune de notre coté, nous voyons les choses arriver."

Alors déjà, les amis de l'époque, Nono, Marion et ma frangine, étaient franchement mauvais en pronostic et définitivement, quand je suis sure que ce n'est pas une passade, j'ai RAISON ! :) Je me suis souvent demandée si c'est moi qui tripait seule à voir des signes et à tout analyser, mais même avec le recul des années, je reste convaincue qu'elle n'était pas innocente dans ce qui est arrivé. Elle m'a cherchée et a joué avec moi. Qu'elle n'assume pas n'est plus mon problème !

"C'est aujourd'hui mon anniversaire. Dix huit ans. Un évenement dans une vie. Tout n'est que ferveur autours de ce moment. Mes amis sont là, fidèles à leur poste. Même au sein du conservatoire, mes amis musiciens me font la fête. Une ombre évidemment au trableau. Nous sommes dehors, et moi qui croyait qu'ils m'avaient oubliée, me le laissant croire, ils me font la surprise de m'offrir cette attention que je croyais naufragée. Les larmes me montent, comme elles étaient montées lorsque j'avais imaginé leur dédans. Elle passe à ce moment là. Un hasard ? Une coincidence ? Probablement. Elle sait ce qui se trame. Elle sait qu'aujourd'hui m'appartient. Elle ne dit rien, passe en me laissant un simple sourire. Pas même un mot pour un souhait. Elle fait s'effondrer le bonheur fugace de mes dix huit ans. Bien sur, la journée se poursuit dans la gaieté mais avec un arriere gout de tristesse amer. Elle semble s'acharner à me faire souffrir. Blessée comme on peut l'être lorsque l'on aime, j'ai donc ouvert la guerre. Jusqu'alors, je la prévenais personnellement de mes absences. Cela lui permettait de venir un peu plus tard, sachant que j'étais son premier cours de l'après-midi. Mais cette fois, je serai absente sans excuses, sans prévenir. La douleur me rend agressive et je lui fais payer. Ma soeur me téléphone pour me dire que Christine s'inquiète. Et alors ? Elle l'a cherché non ? Vouloir me faire mal et ne pas en sentir les conséquences serait trop facile. Je jubile.
Ce soir, je déprime quelque peu dans ma chambre, entre programmes télé et révision sans grand interet. Soudain le téléphone sonne. Je ne m'en préoccupe pas. Les appels sur le fixe de mes parents ne me sont que très rarement adressés. Les joies du portable. J'entends ma mère pourtant m'appeler, me disant que l'appel est pour moi. Je n'en reviens pas. Intérieurement, je sens, je sais que c'est elle mais je n'ose l'espérer. Je demande à ma mère qui appelle. Elle me réponds, d'un ton inquisiteur, "c'est ta prof de violon". Et soudain, c'est un tumulte dans mon corps. Mon estomac se serre, mon coeur s'arrête. Je me liquéfie en un instant. Que vais-je lui dire ? Sachant que mes parents sont là. Je prends le téléphine d'une main mal assurée, tremblante comme si l'on venait de m'annoncer la fin du monde. Elle me demande pourquoi je ne suis pas venue au cours, pourquoi je n'ai pas prévenue, qu'elle avait un petit cadeau pour mon anniversaire. Sa voix me transporte, mon coeur chavire. Elle a pensé à moi. Je suis la seule qu'elle appelle, la seule à qui elle offre un présent. Je ne lui dis pas les raisons de mon absence. Trop puéril. Simplement, lui dire que je n'ai pas pu prévenir. Elle raccroche, je plane. Je retourne au fond de mon lit, réver que peut-être..."

C'est ainsi que ce termine le récit, mais ce n'est pas ainsi que termine l'histoire . C'était la première fois que je tombais amoureuse d'une femme, et la première fois que je tombais vraiment amoureuse tout court. Après ce coup de téléphone, il y a eu une année, dans le même gout, à coup de chaud et de froid. Je lui ai dédié une de mes prestations, lors d'une audition. Elle m'a dédicacée une partition. Elle m'a pourrie pour avoir fumé un pétard. Elle m'a empéchée de passer le dernier examen. On s'est engueulé un paquet de fois. J'ai claqué la porte de son cours un nombre incalculable de fois. Bref, on s'est emmerdé mutuellement la vie, à se courir après. Si l'une ne venait pas au cours, aux concerts, c'était l'apocalypse. Ma soeur faisait l'intermédiaire entre nous, sans se rendre compte vraiment de tout ce que cela voulait dire. Je ne compte plus les fois où Christine a parlé de moi à ma frangine, lui demandant ce que je faisais, comment j'allais... Sonia se faisait une joie de me rapporter les conversations.. Pour ce que cela a rapporté...

Juin 2000 - Je lui avouais mes sentiments, avec tout le courage qu'il me restait du fond de ma dépression. La dernière engueulade "Je ne peux pas assumer les délires d'une fille de 19 ans" Voilà sa réponse. Je n'ai jamais cherché à connaitre le sens.
Juillet 2000 - Le bac en poche et acceptée à Paris pour poursuivre mes études
Septembre 2000 - Elle me faisait virer du conservatoire, comme une malpropre. Mon chef d'orchestre, les larmes aux yeux m'a juste dit "Qu'est ce que t'as encore fait toi ? Allez, fais gaffe à toi surtout" ..
Octobre 2000 - Paris, le coeur lourd et la vie devant moi...

Je n'ai plus touché mon violon pendant des années. Je n'ai plus jamais touché mon violon comme avant...

1 commentaire:

Ambrouille a dit…

j'ai tout lu et c'est bouleversant.
Surtout la fin. Il faut effectivement que tu écrives un best-seller.