Je me souviens, lorsque j'étais enfant, mon grand père se levait parfois le matin, la gueule dans le cul, et disait "cette nuit j'ai fait du pain"
C'était une phrase un peu étrange, qui a l'époque ne me parlait pas vraiment. Il m'avait alors expliquée qu'il faisait un rêve hyper réaliste où il faisait du pain (il était boulanger) et qui l'épuisait physiquement de la même manière que s'il avait réellement fait du pain.
J'ai compris réellement ce phénomène le jour où j'ai fait moi-même un rêve de ce genre. J'étais en troisième et j'étais en stage dans une pharmacie où je m'emmerdais profondément et où j'étais en gros la femme de ménage et où je rangeais les médicaments. Je me souviens avoir passé la nuit à ranger des médicaments sur des étagères. Je m'étais levée le matin dans un état de fatigue démesuré.
Ensuite j'ai découvert qu'on pouvait faire des rêves du même acabit mais en version érotique. Passer la nuit à rêver que l'on baise ou que l'on flirte et se réveiller mortifier d'excitation. Et ce genre de rêve poursuit quelqu'un très longtemps dans une journée et il est difficile d'en sortir.
Cette nuit, j'ai vécu la version apocalyptique des rêves réalistes.
Cette nuit, j'ai revécu une partie de ma vie que j'aimerai vraiment oublier. D'une façon affreusement réel, proche, comme si j'étais encore la personne de ce rêve.
De façon désordonnée, j'ai retrouvé les humiliations physiques, les coups reçus, les attaques contre mon corps, puis les humiliations psychologiques (les pires)... En public et en privé... Les phrases assassines, les abandons, les hontes, les cris, les larmes, la colère.
Cette nuit, j'ai de nouveau été cette ombre de moi-même, cet animal traqué qui doit se défendre pour survivre, l'insignifiante être qui ne méritait pas qu'on l'aime.
J'ai ressenti au travers de images de mon inconscient l'envie de crever plus forte que n'importe quoi, l'envie de tuer, les hurlements de l'âme face à l'injustice, les douleurs insupportables qui détruisent raison et controle, les réactions de femmes battues.
Cette nuit je n'étais plus ce que je suis aujourd'hui, j'étais cette victime que j'ai hais pendant des années, et dont je ne parle qu'à demi mots.
Et dans un demi sommeil, c'est Peachy qui a pris dans la gueule le réveil de l'angoisse, les réactions de défense, la colère sous-jacente. J'en suis tellement désolée. Ce n'était tellement pas prémédité.
C'est en glissant sur le parquet que je me suis vraiment réveillée et que j'ai réalisé que non, la femme qui avait parlé n'était pas le monstre qui m'avait détruit mais une autre personne.
Le rêve me poursuit. Je devrais être roulée en boule sous la couette et je vais faire comme si tout allait bien, toute la journée. J'avais l'ombre d'un espoir que les plaies soient cicatrisées. Mon inconscient me rappelle avec brio que je peux aller me faire foutre et que c'est toujours en moi.
Merci à qui de droit, pour ça...